Peter Quinn faisait route vers la Galerie d'Art. Ce soir, il n'avait pas spécialement envie de sortir dans les bars ou autre chose. Il avait choisi ce lieu pour pouvoir se détendre quelque peu, sa journée avait été éreintante. La faute à son métier, qui l'obligeait à rester concentrer à chaque instant, sans compter les horaires pénibles. Mais aujourd'hui, il avait bien travaillé. Son équipe et lui-même avait même réussi à démonter un petit réseau de drogue dans le Nord de Seattle. Rien de bien folichon, mais cela lui avait permis d'avoir la soirée libre. Ses confrères l'avaient invité à boire pour fêter cette petite victoire, mais Quinn avait refusé. Il se sentait d'une humeur plutôt sensible et calme ce jour-là. Et avait jeté son dévolu sur la Galerie.

Cela faisait un moment qu'il ne s'y était pas rendu, et il ne s'agissait là que de la deuxième ou troisième fois depuis que ses pieds avaient foulé de manière inédite le parquet ciré. Peter n'avait jamais eu le temps d'en faire le tour complet, et ce n'était pas aujourd'hui qu'il pourrait achever cette mission. Le beau lieu ne restait pas ouvert tard dans la nuit, et la certaine heure de la fermeture approchait à grand pas. Mais il lui restait encore un peu de temps pour profiter des œuvres, dispatchées sur les murs à intervalle régulier. De plus, il n'y avait presque plus personne, seuls restaient quelques touristes récalcitrants et autre oiseaux de nuit tel que le policier. Ce dernier serait alors tranquille pour explorer.

L'homme arriva donc à l'entrée du lieu culturel et paya son ticket. Sans perdre une seconde, il commença sa petite visite, malheureusement vite écourtée par le temps qui file. Peter passa outre la partie réservée à l'abstrait, pas vraiment sa tasse de thé. Au lieu de cela, le brun finit par s'arrêter devant une grande peinture, protégée par un vitrail. Elle devait bien faire presque deux mètres de long pour un mètre de hauteur, c'en était presque une fresque. L’œuvre représentait un paysage campagnard, certainement quelque part dans les Etats-Unis, avec une famille dégustant un joli pique-nique au premier plan. Ils étaient habillés de manière ancienne, avec ces longues robes et ces grandes salopettes.

Quinn contempla la peinture pendant plusieurs minutes. Chaque détail, chaque ton de couleur, chaque trait de pinceau, l'homme trouvait cela vraiment fascinant. Puis son regard dériva à droite du tableau, là où était ancrée dans le mur le cartel de la peinture. Il ne reconnu pas l'artiste, mais au vu de sa consonance anglaise, Peter en déduisit un artiste de la région. La culture américaine était vraiment quelque chose qui l'inspirait. Le brun se mit alors à sourire en repensant à ses tentatives d'égaler le talent de certains. Mais il était vraiment très mauvais pour imiter, que ce soit pour le dessin ou pour la peinture. Au final, cela ne l'avait mené nul part, si ce n'est à une bonne tranche de rire.

Mais maintenant, Peter devait partir. La Galerie allait fermer d'une seconde à l'autre. Se retournant lentement vers la sortie, il percuta soudainement quelque chose. Grognant et reculant sous le choc, Quinn vit que la personne avait lâché quelque chose par terre par sa faute. S'excusant alors, le brun se pencha en avant. Il ramassa une pochette, contenant des feuilles éparpillées un peu partout. Il dut alors s'accroupir, tandis que l'autre le rejoignait dans sa corvée. Sur quelques bouts de papier, Peter put apercevoir de beau dessins, que ce soit au feutre ou au crayon de papier. Mais il ne s'y attarda pas, ne voulant pas gêner la pauvre personne plus longtemps.

Une fois le tout ramassé, Quinn se releva et tendit la pochette et quelques feuilles, à ce qui semblait être un jeune adulte, peut-être bien un étudiant ou quelque chose comme ça. Puis le plus vieux prit la parole, non sans se gratter l'arrière de la tête et un vague sourire.

« Excuse-moi, je n'ai pas regardé où je mettais les pieds. J'espère que tu ne t'es pas fait mal ? »

Peter ne pouvait pas s'empêcher de se facepalm mentalement. Il avait eut un petit instant d'absence, et n'avait pas pu s'empêcher de foncer dans quelqu'un ! Heureusement, il y avait eu plus de peur que de mal, que ce soit d'un côté où de l'autre. En effet, le jeune homme d'en face se portait bien, souriant même face à l'inquiétude du plus vieux. Au moins, lui non plus n'avait rien, et c'était le plus important pour le policier. Quinn répondit aussi que tout allait bien, pour rassurer l'inconnu. D'ailleurs, le policier n'allait pas tarder à filer après cette rencontre plus qu'inopportune. Après tout, la galerie allait fermer ses portes.

Mais il fut soudainement stoppé dans ses pensées par une nouvelle question émanant de l'enfant. Ce-dernier demandait au fonctionnaire, s'il aimait l'art. La réflexion s'opéra alors, Peter étant d'un naturel indécis. Voyant voir, il était venu ce soir pour se détendre à peu et observer des œuvres d'arts. Si on ne pouvait pas dire de Quinn que l'art était sa passion, au moins observer des tableaux le détendait, d'autant plus que cela l'instruisait un peu plus à chaque fois. Alors oui, Peter appréciait bel et bien ce pour quoi la Galerie de Seattle existait.

Le policier hocha la tête de manière affirmative, puis ce fut à son tour de prendre la parole.

« Je me présente, Peter Quinn. Je suis flic, et on peut dire que ouaip, j'aime bien me rendre à la Galerie pour observer les œuvres diverses et variées de la ville. » Son ton était détendu, amical. Peter continua sans demander son reste, bien à l'aise sur le sujet.

« Toutes ces choses sont comme des livres à mes yeux, dit-il en faisant parcourir un bras autour du couloir, pour moi, elles racontent leur histoire à travers chaque trait de pinceaux, chaque pierre taillée, chaque assemblage. Je trouve ça vraiment fascinant, et ça vaut vraiment le coup d'oeil si tu veux mon avis. Je pense pas qu'il y ait assez de personnes qui viennent en profiter pourtant, c'est dommage. » Sa voix était devenue un peu distante, comme s'il pensait à voix haute plutôt que de réellement s'adresser à son interlocuteur. Cependant, Peter se reprit immédiatement en voyant son geste impoli.

« Désolé, je me suis laissé emporté ahah… Je ne voulais pas t'ennuyer avec mon monologue, euh… Je ne connais même pas ton nom ! »

C'est vrai que l'agent de police venait de se montrer particulièrement maladroit, et son rire un peu nerveux n'était pas là pour l'aider. Néanmoins, ça détendait l'atmosphère, donc Quinn ne regrettait pas tellement son attitude un peu décalée. Il espérait au moins ne pas avoir effrayé le plus jeune, parce que c'est vrai que la situation était quelque peu awkward. Mais bon, cela faisait l'anecdote amusante de la journée.

Le brun observa les dernières personnes quittant la galerie. Si les deux hommes voulaient continuer à discuter, ils ne pourraient pas rester là très longtemps, une poignée de minutes tout au plus. Quinn prit alors l'initiative d'entraîner sa nouvelle connaissance vers la sortie, attendant que celle-ci réponde à sa question.

Le jeune se présenta poliment sous le nom de Seth Clearwater. Il avait l'air d'un bon petit gars. En tout cas, le patronyme ne rappelait aucun voyou ou délinquant au plus vieux. Seattle n'était pas complètement corrompue jusqu'à la moelle, mais le policier avait déjà eu affaire à des cas étonnants, notamment en ce qui concernait les adolescents et les jeunes adultes. Non, Seth n'était pas là pour faire du repérage pour un futur vol, son comportement ne concordait pas.

Quinn soupira, se répétant une nouvelle fois qu'il était là avant tout pour se détendre, pas pour penser boulot. L'enfant Clearwater ne démontrait aucune malveillance à son égard, quand bien même il était au courant de son statut d'agent de la paix. Généralement, les jeunes n'aimaient pas rencontrer ce genre de personnage, croyant toujours que si on leur adressait la parole, c'est parce qu'ils avaient commis quelque chose de mal. Mais un flic reste un être humain comme un autre. Alors même si Quinn devait passer pour un « ringard » auprès de la jeunesse, cela lui faisait du bien d'avoir un contact amical avec celle-ci.

Malheureusement, l'heure n'était plus vraiment aux rencontres. Le musée s'apprêtait à fermer ses portes, et Peter espérait pouvoir continuer de converser avec sa nouvelle connaissance dans la rue, ne serait-ce que l'espace de quelques minutes. Mais la surprise venait justement de Seth, qui reprit la parole avant que le policier ne s'éloigne trop.

Il avoua qu'il avait rendez-vous à un cours d'art, et proposa même d'inviter Peter à celui-ci ! La surprise dut se peindre facilement sur son visage. Il était flatté que Clearwater le prenne en considération, et d'une certaine manière lui propose d'approfondir leur relation naissante. Le flic aurait bien répondu qu'il ne voulait pas déranger le déroulement du cours, mais si Seth pensait réellement que sa présence aurait constitué un frein, il n'en aurait jamais fait allusion en premier lieu. Oui, Peter pensait que le jeune homme devait avoir un esprit fin. Ce qui n'était pas surprenant venant de la part d'un apprenti artiste.

Tout de suite, la curiosité piqua l'ancien sportif. Voilà qu'une banale visite du musée se transformait en une rencontre tout à fait intéressante, bien qu'elle ait commencé sur une maladresse. Ce serait génial si les deux hommes pouvaient devenir bon amis, et quoi de mieux pour cela que de partager une passion commune !

L'agent Quinn revint donc sur ses pas, devant le jeune homme, avec un franc sourire. Même si il n'avait jamais entendu parler que des cours se tenaient dans le musée le soir, du moins pour le public, Peter déduisit qu'il devait s'agir d'un enseignement scolaire ou quelque chose comme ça. Mais qui était-il pour refuser une pareille invitation ?

« C'est gentil de proposer, Seth. J'accepte avec plaisir ! »

C'est alors que des vigiles s'approchèrent des deux hommes. Ils ne firent rien de particulier, et laissèrent le duo poursuivre sa route vers une salle à part. Sur le trajet, le policier se retrouva avec quelques questions en tête. A part son nom et son inclination pour l'art, Peter ne connaissait pas grand-chose de son compagnon d'un soir. C'était le moment ou jamais d'échanger des informations avant que Seth ne soit pris par son cours.

« Alors, tu as l'habitude de venir travailler ici ? Tu dois bien connaître les lieux et le personnel, j'imagine. Ah, et tu peux m'appeler Peter, au fait. »