Seize heure quarante-cinq. Je cours après être sorti en avance du boulot. La journée était terminée pour moi, exceptionnellement. J’avais besoin d’un prêt pour augmenter l’espace alloué à mon compagnon, Loki, chez moi. Pour ça, il fallait se rendre à la banque et espérer être reçu par un conseiller. Chose difficile quand on a un emploi du temps comme le mien, et les banquiers avaient tendance à fermer toujours à la bonne heure. J’avais donc obtenu l’autorisation de mon supérieur pour quitter plus tôt le boulot et me rendre à la banque sans délai. Après une course folle, je suis arrivé sur place. Heureusement que j’avais eu le temps de me changer dans les vestiaires de la police, autrement, les gens m’auraient pris pour un fou. Enfin, c’était peut-être le cas même sans le costume, non ? Toujours fut-il que j’étais à la banque par miracle avant la fermeture. Certes, il ne restait plus qu’une poignée de minutes, cela dit, un gentil banquier avait peut-être un sursis à m’accorder.

J’interroge donc les personnes restantes. Certains sont déjà en entretien et d’autres quittent leurs bureaux. Bien sûr que j’aurais dû prendre rendez-vous, mais cela était tellement compliqué pendant ces temps-ci ! Je voulais surtout soumettre ma requête et voir pour plus tard, au cas où les banquiers n’auraient pas plus de cinq minutes à m’accorder… Mais c’était à croire que Dame Chance n’était pas avec moi. Guichet après guichet, on me fichait à la porte, façon de parler. Personne ne pouvait me recevoir dans cette banque de Seattle et je commençais à désespérer. Je n’avais plus beaucoup d’essai, malgré la grandeur du bâtiment. Aller, encore une fois… Avec un beau sourire, je m’approche d’une dame qui n’a pas l’air de vouloir me recevoir.

« Bonjour Madame. Je suis navré de me présenter seulement maintenant, mais avec le travail, je n’ai-

-Désolée Monsieur. Je ferme. »

Bon eh bien, ça avait au moins le mérite d’être clair et concis. D’un geste rapide, j’observe l’heure à ma montre : dix-sept heures. Aucune chance d’être reçu à présent, j’avais même tout intérêt à quitter les lieux. Cependant, je fus interpellé par quelqu’un. A renfort de grands signes de main, une demoiselle me demandait d’approcher. Ne demandant pas mon reste, j’approchai d’elle.

« Bonjour. Dites, je vous vois faire le tour des guichets et vous ne trouvez personne. Vu l’heure, ce n’est pas étonnant ! »

Oui, elle avait raison.

« Bonjour. Ah, vous m’en voyez désolé, mais je suis policier et ce n’est pas facile de pouvoir me rendre dans les lieux administratifs ou autre. »

« Ça va, je vous reconnais ! Vous m’avez aidé une fois, dans la rue. Mais si, contre des voyous de seconde zone ! »

Un peu confus, je l’observe. Je vois des victimes tous les jours, ce n’est pas facile de reconnaître les personnes à chaque fois… Mais oui, elle a surement raison.

« Ecoutez. Mon patron ne va pas tarder à descendre. D’habitude, il ne s’occupe pas du tout des clients –ou alors les plus fortunés- mais je peux essayer de vous avoir un petit entretien avec lui ? »

Décidemment, elle n’avait pas froid aux yeux la jeune. Faire une requête à son patron ainsi… Enfin, je n’avais rien à y perdre.

« J’apprécierai énormément. Cela dit, vous n’êtes pas obligée, je comprendrais si je dois revenir une autre fois… »

Je n’eus pas le temps de continuer d’avantage que la banquière interpellait à nouveau quelqu’un. En suivant du regard, je tombe sur un homme qui n’a pas l’air très âgé. Il a la peau pâle et des yeux d’une saisissante beauté. Un bleu froid et perçant, encore plus intense que mes prunelles. Assez rare pour être souligné, ce genre de détail. Bref, était-il le fameux directeur ? La réponse tomba sous le sens lorsque la jeune lui demanda très poliment s’il était possible de me rendre service. Monsieur Atkins apparemment. Je me sentais un peu privilégié à cet instant, de solliciter la présence du directeur pour une petite affaire finalement. Bon, il était temps de paraître correct. Je lui tend la main avec respect.

« Enchanté Monsieur Atkins. Pardonnez-moi. Je suis dans la police et le temps me manque cruellement. Je n’aurais besoin que d’un petit entretien, si vous pouviez me l’accorder… »

Un sourire très discret apparu sur mon visage. Je voulais paraître poli mais aussi amical, de quoi briser la glace pour aider le jeune homme à accéder à ma requête.

La journée de Lawrence s'était déroulée comme de nombreuses journées avant elle, et comme de nombreuses après elle. La routine du matin avait commencé avec un réveil à presque cinq heure du matin, juste avant que l'alarme ne se mette en route. Le jeune homme s'était ensuite levé pour se diriger vers la salle de bain et prendre une douche d'au moins trente minutes. Venant ensuite un rasage contrôlé, Atkins s'était habillé du même costume habituel avant de se rendre dans sa cuisine pour prendre un rapide petit-déjeuner.

Sa routine l'avait ensuite conduit tout simplement au parking devant son appartement, où il entreprit de prendre son véhicule pour se rendre à son travail dans le Quartier des Affaires. Même à cette heure matinale, le Centre-Ville de Seattle était déjà bien vivant et il fallut quelques minutes au banquier pour atteindre sa destination. Après avoir passé les portes blindées de son entreprise et avoir salué les vigiles en place, Lawrence s'enferma dans son grand bureau pour la matinée. Il rédigea plusieurs documents, effectua quelques entretiens via informatique et prit une légère pause vers midi pour se ravitailler en café.

L'après-midi s'était déroulée quasiment de la même manière, à ceci près que le directeur avait également reçu quelques visites dans son bureau pour affaire avec de très bons clients. Très vite, un peu trop pour tout le travail qu'il avait à faire, la fin de la journée sonna. Il était temps pour Lawrence de saluer ses employés, avant de retourner dans son bureau pour continuer à travailler jusqu'à tard dans la soirée. Et pourquoi pas refaire le plein de café par la même occasion ?

Ainsi, le directeur Atkins se retrouva dans le hall de la banque, observant les derniers clients quittant les lieux et ses salariés qui pliaient doucement bagages. Rien d'inhabituel, jusqu'à ce qu'une secrétaire, une jeune conseillère s'approche et lui fasse une demande particulière. Surpris, Lawrence haussa un sourcil à la requête. Puis, l'homme dont il était question tendit sa main en s'excusant pour la gêne.

Répondant avec un très léger sourire pour rester poli, Lawrence serra la main du jeune homme.

▬ Si vous voulez bien me suivre dans mon bureau.

En remerciant la jeune femme et en la saluant, l'homme d'affaire tourna ensuite les talons pour revenir d'où il était descendu. Il appela l'ascenseur et monta à bord avec le client, appuyant sur le dernier étage de la tour. Avec tout ceci, il avait oublié de reprendre du café. Tant pis. Le silence s'installa alors que l'appareil montait, jusqu'à ce que la voix féminine indique qu'ils étaient arrivés.

Lawrence se déplaça le premier et fit signe à l'homme de s'installer au bureau.

▬ Une tasse de café ?

Il ferait avec ce qu'il restait dans son thermos.